Les communautés sont et doivent être au cœur de la lutte contre le paludisme

Auteur : Ambassadrice Sheila Tlou (Ambassadrice spéciale de l’ALMA) | Publié le : 25 avril 2025

C’est à nouveau la Journée mondiale de lutte contre le paludisme et je me retrouve à réfléchir à une maladie qui hante notre continent depuis des générations et qui continue à faucher des vies, en particulier parmi les plus vulnérables. Il est d’autant plus affligeant que les enfants et les mères, les groupes auxquels j’ai consacré ma carrière, portent encore le plus lourd fardeau de cette maladie. Cette réalité met en évidence des lacunes systémiques plus profondes dans nos systèmes de santé, où trop souvent, les plus vulnérables sont laissés pour compte.

Je repense souvent à mes débuts en tant qu’infirmière, marchant de longues distances pour atteindre les familles dans les régions les plus reculées du Botswana. Parfois, nous nous réunissions sous les arbres, dans de petites salles de classe ou dans des salles communautaires. Il ne s’agissait pas de grandes campagnes, mais de simples conversations avec les gens sur leur santé, leur vie et les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien. Nous parlions du VIH, du paludisme, du planning familial et des défis quotidiens auxquels les familles sont confrontées pour rester en bonne santé. Ces moments m’ont appris une leçon fondamentale : la santé commence avec les gens, pas avec les hôpitaux. Les interventions les plus efficaces sont celles que les communautés comprennent, auxquelles elles font confiance et qu’elles s’approprient.

Les agents de santé communautaire sont la colonne vertébrale du système de santé

C’est pourquoi je défends depuis longtemps l’idée que les agents de santé communautaire ne sont pas seulement une partie du système, mais sa colonne vertébrale. Ils éliminent les obstacles aux soins de santé en apportant les tests, les traitements et l’éducation directement à la population. Mais ils ne sont pas seulement des agents de santé ; ils sont aussi des leaders, des éducateurs et des défenseurs au sein de leurs communautés. Si nous voulons vraiment mettre fin au paludisme et à d’autres maladies évitables, nous devons investir dans les agents de santé communautaire. Et par investissement, je n’entends pas seulement une rémunération et une formation équitables, même si cela est essentiel. Nous devons leur donner les moyens de contribuer à l’élaboration des politiques de santé et veiller à ce qu’ils aient leur mot à dire dans les décisions qui ont un impact sur leurs communautés.

Jour après jour, les agents de santé communautaire démontrent leur valeur pour le système de santé en dispensant des soins, en éduquant les familles et en surveillant l’évolution des maladies au niveau local. Leur travail les rend indispensables non seulement à la lutte contre le paludisme, mais aussi à la mise en place de systèmes de santé résistants. Le paludisme, en particulier, est un précurseur de la préparation et de la réponse aux pandémies, ce qui offre une occasion unique d’étendre et de renforcer les systèmes bien au-delà d’une seule maladie. En investissant dans la prévention, le dépistage et le traitement du paludisme, les pays et les partenaires de développement peuvent renforcer les capacités des agents de santé communautaires en développant les programmes de santé communautaire, en améliorant leur capacité de surveillance des maladies grâce à des outils numériques et en renforçant les infrastructures de soins de santé primaires.

L’importance des femmes aux postes de direction

Au-delà du soutien apporté aux agents de santé communautaire, nous devons également veiller à ce que les jeunes infirmières et sages-femmes se voient confier des rôles de direction. Ces travailleurs de première ligne sont ceux qui connaissent les besoins réels de la population et sont les mieux placés pour contribuer à la mise en place d’un système de santé qui fonctionne pour tout le monde. J’ai vu la différence que cela fait lorsque les infirmières, en particulier les femmes, occupent des postes de direction. Elles peuvent réellement conduire le changement et rendre les systèmes de santé plus réactifs.

Plaider en faveur de la santé des femmes

Les femmes ne sont pas seulement les principales dispensatrices de soins dans la plupart des communautés, elles sont aussi les plus mal desservies en matière de services de santé. L’autonomisation des femmes par l’éducation et les opportunités économiques a prouvé à maintes reprises qu’elle améliorait les résultats en matière de santé pour l’ensemble des communautés. Nous devons continuer à défendre la santé des femmes et veiller à ce que leur voix soit entendue dans tous les aspects des soins de santé.

Le paludisme s’arrête avec moi

Le thème de la Journée mondiale de lutte contre le paludisme de cette année, « Le paludisme s’arrête avec nous : Réinvestir, réimaginer, relancer, nous incite à agir. À réinvestir dans les agents de santé communautaires qui sont l’épine dorsale des systèmes de santé. À réimaginer le fonctionnement de nos systèmes de santé lorsque les infirmières, les sages-femmes et les agents de santé communautaire reçoivent le soutien et la voix dont ils ont besoin. À raviver la passion et la volonté d’éradiquer le paludisme, non seulement grâce à la science, mais aussi grâce aux individus.

J’ai vu de mes propres yeux ce qui est possible lorsque les communautés sont mobilisées, lorsque les femmes sont responsabilisées et lorsque les infirmières et les sages-femmes ont la possibilité de jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre le paludisme.

À propos de l’auteur

Mme l’Ambassadrice a été nommée Ambassadrice spéciale pour la lutte contre le paludisme par Son Excellence le Président Uhuru Kenyatta (Président d’ALMA de janvier 2020 à août 2022) en 2021.

Professeur Tlou est la co-présidente de la Global HIV Prevention Coalition (Coalition mondiale pour la prévention du VIH). Précédemment, elle a occupé les postes de directrice régionale de l’ONUSIDA pour l’Afrique de l’Est et australe, de ministère de la Santé de la République du Botswana et de directrice du Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé pour le développement des soins de santé primaire.

En tant que directrice régionale de l’ONUSIDA, Professeur Tlou a orienté les efforts et offert un plaidoyer politique pour une riposte durable au SIDA dans 21 pays africains. En tant que co-présidente de la campagne Nursing Now (Des soins maintenant), elle dirige un mouvement mondial en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé et le Conseil international des infirmières, qui vise à maximiser la contribution des infirmières à la réalisation de la couverture universelle.